Et si le soutien financier de l’Etat permettait à des entreprises de survivre alors qu’elles ne le devraient pas ? De très nombreuses entreprises sont quasiment à l’arrêt depuis des mois : réduction des embauches, limitation des investissements, diminution des actions commerciales… Ces entreprises sont appelées : entreprises zombies. Les chiffres semblent totalement incohérents. Depuis le second trimestre 2020, la crise sanitaire s’abat sur l’hexagone, générant une crise économique sans précédent. Pourtant, les derniers chiffres sur la défaillance des entreprises ne reflètent pas du tout cette situation.
Une diminution des défaillances et transmission de mandats sociaux
Notre cabinet, qui recense toutes les créations, défaillances et transmissions de mandats sociaux, a répertorié moins de 7 000 défaillances au 3ème trimestre. Cela représente une baisse de 35% par rapport à l’année 2019 sur la même période. Il faut remonter jusqu’en 1989 pour observer un niveau si faible.
À première vue une bonne nouvelle ? Pas si sûr. Il semblerait que cette résilience surprenante de notre tissu économique ne soit qu’une parfaite illusion. Pire encore, cette situation pourrait troubler le fonctionnement normal des échanges inter-entreprises.
Mais alors d’où vient cette altération statistique ? Nous pouvons l’expliquer principalement par les mesures de soutien à l’économie mises en place par l’Etat. Depuis plusieurs mois, l’Etat sort l’artillerie lourde pour soutenir l’économie nationale notamment avec sa mesure phare : le prêt garanti par l’Etat (PGE) dont 600 000 entreprises ont déjà bénéficié.
Cette situation s’apparente à une zombification des entreprises qui se renforce depuis le début de la crise. Selon l’OCDE, ces entreprises zombies se caractérisent comme ayant au moins dix ans d’âge et dont le revenu opérationnel est insuffisant pour couvrir leur charge d’intérêts pendant trois années consécutives ». Plus globalement, ce sont des entreprises qui ne font pas de profits depuis plusieurs années et sont perfusées financièrement par des liquidités externes à leur activité.
Vers une recrudescence des entreprises zombies ?
Sur le long terme, ces entreprises zombies doivent disparaître, car elles n’arrivent pas à s’autofinancer et les liquidités externes s’estompent. Ces dernières années, un renforcement du phénomène a été observé en Europe et le contexte de crise actuel accélère la situation.
Toutes les aides publiques et mesures de soutien à l’économie des pays européens (chômage partiel, PGE, reports d’impôts et de cotisations, subvention, compensation de chiffre d’affaires…) ont généré des sommes colossales dont bénéficient les entreprises.
Finalement, pour de nombreuses entreprises, ces aides permettent seulement de repousser le moment du dépôt de bilan. Pour d’autres, ces leviers financiers vont quand même permettre de retrouver le chemin de la rentabilité. Selon, La Banque des Règlements Internationaux seulement 25% d’entre elles vont sortir du marché en épuisant leur liquidité. Pour les autres, il y a un fort risque qu’elles survivent temporairement.
Si le plan de relance est indispensable à la survie de l’économie et au soutien de l’emploi, on peut s’interroger sur la pertinence du fléchage des aides. Comment distinguer une société subissant une période difficile d’une entreprise qui structurellement ne trouvera jamais la stabilité financière ?
L’historique financier d’une entreprise ne présageant rien de son futur, la distinction ne semble pas faisable. Le soutien à l’économie doit se faire massivement et la sélection naturelle du marché fera le tri dans les prochaines années.
Les entreprises zombies sont-elles un frein au développement économique ?
L’existence de ces entreprises zombies n’est pas récente et pourtant l’économie ne cesse de croître avec des phases plus ou moins rapides. Des études ont démontré que ce type d’entreprise possède des caractéristiques propres : faible niveau d’embauche, croissance limitée ou décroissance, niveau limité d’innovation…
On comprend rapidement que la situation de ces entreprises a un impact direct sur les sociétés qui bénéficient d’une productivité normale. Selon l’OCDE, ce type d’entité aurait un impact de congestion sur l’économie. Non seulement, leur développement est limité voir inexistant, mais elles prendraient également la place sur le marché de sociétés qui auraient plus de potentiel. En préservant leur position de marché, elles créent des barrières à l’entrée pour de nouveaux acteurs d’où l’impact de congestion général.
L’effet pervers du plan de relance
En soutenant l’économie de manière globale, les Etats favorisent également le maintien de ces entreprises stagnantes sur le marché qui verrouillent le marché grâce à leur position commerciale historique. Le processus de “destruction création” de Joseph Schumpeter se grippe du fait de l’intervention des états.
Nous faisons face à un risque systémique extrêmement pervers qui peut avoir pour conséquence le ralentissement de la reprise voire une paralysie généralisée du marché.
Mais comment sortir de cette spirale ? La soutien de l’économie par la création d’entreprise, l’entrepreneuriat et l’innovation semble être la voie royale pour éviter d’allonger la durée de vie de ces entreprises zombies.
Malheureusement, aucune mesure de soutien n’a été annoncée pour la création d’entreprise. Il est toujours aussi difficile de se lancer et de capitaliser correctement son projet d’entreprise. Certes, il existe de très nombreux soutiens à la création : incubateur, accélérateur, réseaux d’accompagnement, les CCI… Mais le nerf de la guerre reste le financement de la création et la France reste à la traîne sur ce thème central. L’equity gap, ce fameux trou de financement ou vallée de la mort comme le nomme les start-uppers est plus que jamais présent.
Le plan de relance de l’Etat devrait certainement prendre en considération la création d’entreprise dans sa stratégie pour remplacer les entreprises zombies dans les prochaines années.